La vie de François Maspero, né en 1932, plonge profondément ses racines dans les « années noires » de l’Occupation.
Sa famille paie durement son engagement dans la Résistance. Son père, sinologue professeur au Collège de France, meurt dans un camp. Sa mère survit à l’internement à Ravensbrück. Son frère, chef d’un réseau communiste, est tué au combat.
Après des études universitaires, François Maspero acquiert en 1956 une librairie du Quartier latin, La Joie de lire.
Ce lieu vivant et pluriel, où de nombreux évènements sont organisés, devient central pour la diffusion des idées politiques et sociales de gauche mais aussi des œuvres de création.
En juin 1959, Maspero et son équipe publient un premier livre, La Guerre d’Espagne de Pierre Nenni. Avec l’historien Julien Hage, on peut dire que « François Maspero s’inscrit dans la lignée des grands libraires-éditeurs (…), figure classique dans l’édition française ». Il y ajoute une dimension engagée peu fréquente.
« J’estime que mon seul crime est d’avoir fait mon travail, mon métier d’éditeur avec conscience et jusqu’au bout […].
Tous ceux qui pensent que le spectacle ignoble de centaines de millions d’hommes crevant de faim dans un monde où l’on construit des satellites artificiels […] pour le plaisir d’un certain nombre d’autres hommes ne peut pas durer éternellement […], tous ceux-là ont senti se lever un grand espoir. […]
Je suis fier d’avoir pu servir non pas ce que [le ministre de l’Intérieur] M. Marcellin appelle ridiculement les puissances étrangères, mais bien des hommes portant en eux ce que l’humanité peut avoir de plus riche et de plus généreux. »
François Maspero, lettre au président de la 17e chambre correctionnelle, mai 1969, citée par Martine Poulain, « La Censure », Pascal Fouché (dir.), Histoire de l’édition française, Cercle de la Librairie, 1998, p. 575.